Il faut prendre des risques dans la vie

J’ai dû réfléchir il y a quelque temps sur un passage de l’Ecclésiaste, à première vue obscur, mais rempli de sagesse. Il s’agit d'Ecclésiaste 11.3-6 qui nous enseigne la chose suivante: le risque est inévitable, mais ce n’est pas le risque qui devrait nous freiner.

Survolons ces versets ensemble, avant de tirer quelques conclusions.

Le verset 3 nous enseigne que certaines choses dans ce monde sont inévitables:

Quand les nuages sont gonflés de pluie, ils la déversent sur la terre; et si un arbre tombe, vers le sud ou vers le nord, c'est à la place où l'arbre tombera, qu'il restera.

Ecclésiaste 11.3

Lorsque les nuages sont "gonflés de pluie", lorsqu’il y a un gros nuage, nous savons ce qu’il va se passer: il va pleuvoir, c’est inévitable. Lorsqu’un arbre tombe, peu importe la direction dans laquelle il tombe, il va rester où il est tombé. Il ne va pas bouger. C’est inévitable.

Ces choses sont peut-être évidentes, mais ce verset nous aide à saisir la réalité de cette vie. Certaines choses vont avoir lieu, c’est inévitable, et l’être humain n’en a aucun contrôle.

Cependant, le verset suivant nous enseigne qu’il ne faut pas se laisser freiner par cela:

Qui observe le vent ne sèmera point, qui fixe les regards sur les nuages ne moissonnera pas.

Ecclésiaste 11.4

Là encore, c’est une observation plutôt évidente. Ce verset décrit un fermier indécis, qui passe son temps à évaluer les risques sans jamais oser semer. Il observe le vent et se dit qu’il faut attendre que le vent parte avant de semer, sinon le vent va emporter la semence. Puis il observe les nuages et se dit qu’il vaut peut-être mieux attendre la pluie pour semer, afin que la semence prenne mieux racine. Cependant, ce n’est jamais le bon moment. Le fermier finit par ne jamais semer.

Si l’on ne fait qu’observer les nuages et essayer de discerner les circonstances, on ne fera jamais rien. On pourra toujours trouver des excuses et des raisons de ne rien faire. Si l’on veut moissonner, il faut y aller. Il faut prendre des risques.

L’enseignement de l’Ecclésiaste continue:

Comme tu ne connais point le mouvement du vent, ni de l'embryon dans le ventre de la femme enceinte, tu ne connais pas non plus l'œuvre de Dieu qui fait tout.

Ecclésiaste 11.5

Ce verset met en avant le caractère mystérieux de certaines choses de cette vie, que l’être humain ne peut pas comprendre, et qu’il doit accepter. Nous connaissons probablement bien mieux "le mouvement du vent" qu’à l’époque où ces versets ont été écrits, et pourtant le vent reste toujours imprévisible. Il nous dépasse, il est rempli de mystère. De la même manière, nous savons bien mieux comment un petit bébé prend forme dans le ventre de sa mère. Et pourtant, cela nous dépasse toujours et nous émerveille.

De la même manière, l’Ecclésiaste nous dit, nous ne comprenons pas tout ce que Dieu fait. L’œuvre de Dieu nous dépasse (voir Ecclésiaste 3.11).

Ce verset est donc la suite logique des précédents. Si l’on passe notre temps à considérer les risques, on ne fera rien (v.3-4). Mais en plus de cela, on ne pourra jamais tout savoir (v.5). Si l’on s'attend à tout comprendre pour prendre une décision, on ne fera jamais rien. Il y a des choses qui nous dépassent et il faut l’accepter. Il faut accepter l’inconnu qui fait partie de cette vie, et avancer en faisant confiance à Dieu.

C’est ce qui mène l’Ecclésiaste à nous dire:

Dès le matin sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta main; car tu ne sais point ce qui réussira, ceci ou cela, ou si l'un et l'autre sont également bons.

Ecclésiaste 11.6

Vas-y, sème! Prends des risques, mets-toi à l’œuvre, car tu ne sais pas ce qui marchera. Le fait de ne pas savoir ne devrait pas nous freiner. Il faut accepter le risque, avancer, en faisant confiance à Dieu.

Il faut prendre des risques dans la vie

Ces versets remettent en question celui qui veut être sûr d’avoir vu le problème sous tous les angles avant de faire quelque chose. Si l’on agit ainsi, on ne fera jamais rien.

Ce passage n’encourage pas à l’imprudence. Oui, il faut évaluer les risques et prendre nos responsabilités au sérieux. Le risque n’est pas une vertu en soi. Mais il faut réaliser qu’il est inévitable dans cette vie, parce que nous ne connaissons pas tout.

Ce passage fait le constat que plus, on passe son temps à évaluer les risques, moins on est actifs. Il faut accepter le risque plutôt que de chercher à l’éliminer.

Comme Sylvain Romerowski l’écrit:

La sagesse consiste souvent à se lancer dans l’action malgré des circonstances défavorables¹.

Si l’on veut chercher des objections à se lancer dans quelque chose, on pourra toujours en trouver. Il est donc sage de se demander: suis-je celui qui met constamment des bâtons dans les roues des autres? Est-ce que j’encourage l’ambition, ou est-ce que je la freine par ma crainte du risque?

Les paroles de Matthew Henry sont à propos:

Ceux qui sont dissuadés et repoussés par de petites et apparentes difficultés devant de grands engagements ne mèneront jamais rien à bien dans le service chrétien, car il se lèvera toujours quelque vent, quelque nuage ou autre, au moins dans notre imagination, pour nous décourager².

Dieu est au contrôle: faisons-lui confiance

Nous ne pouvons pas comprendre l’œuvre de Dieu (v.5), mais nous pouvons être certains que Dieu fait tout comme il faut. Cela nous encourage: nous pouvons être actifs et avancer même malgré le risque, parce que nous savons que Dieu est souverain. Sa bonne providence conduit toutes choses.

Oui, il y aura toujours une part d’inconnu dans les choses de cette vie, dans toutes les décisions que nous prenons. C’est inévitable. Mais Dieu, lui, connaît tout. Cela nous encourage à ne pas rester sur place, mais à avancer en lui faisant confiance.

Il est notre bon père céleste, qui prend bien soin de nous. Il a donné son Fils pour mourir sur la croix à notre place. Rien ne peut nous séparer de son amour. Nous sommes entre de bonnes mains, en sécurité pour l’éternité.

Nous sommes donc rassurés de pouvoir prendre des risques en sachant qu’il est au contrôle. Toujours.

<sub>1. Romerowski, Pour apprendre à vivre la vie telle qu’elle est, p.438.
2. Matthew Henry, Commentary On the Whole Bible, p.1053.</sub>