Renoncer à ses droits pour le bien des autres

Vie chrétienneCombat contre le péchéÉthique

Un chrétien peut-il boire de l'alcool? Écouter de la musique "non-chrétienne"? Acheter une Tesla? Ces questions animent les débats, et nos consciences. Les chapitres 8 à 10 de la 1ère épître aux Corinthiens sont très instructifs sur ces sujets. Ils nous invitent à ne pas aller à l'encontre de notre conscience, et à profiter de nos droits tout en étant prêts à y renoncer pour le bien des autres.

Dans cet article (extrait d’un livre), Don Carson expose l’un des principes clés de ces chapitres.


1 Corinthiens 8 répond principalement à la question qui est de savoir si les chrétiens peuvent ou non manger de la viande sacrifiée aux idoles. Il semble que la majorité des animaux étaient abattus dans un temple d’idoles et que la viande était vendue juste en dehors des portes du temple.

Les chrétiens récemment convertis, issus du paganisme, avaient tendance à penser que l’achat et la consommation de telles viandes étaient un compromis dangereux. Cela marquait à leur sens un intérêt pour les anciens dieux païens, et associait donc le chrétien à l’idolâtrie.

D’autres chrétiens, plus matures, considéraient que le fait de sacrifier un animal devant la statue d’une idole n’affectait pas la viande. Cela restait de la viande –et rien de plus– qui pouvait être achetée et consommée avec une conscience pure. Ce n’est pas parce que les païens pensaient que l’idole représentait un dieu que les chrétiens devaient s’adonner à de telles superstitions. L’Église de Corinthe était donc divisée.

La manière dont Paul traite ce problème est instructive. Dans le dixième chapitre de sa lettre, il interdit formellement toute implication dans l’adoration qui avait lieu dans les temples païens. Derrière les idoles se trouvent des forces démoniaques avec lesquelles il est dangereux de jouer. De plus, il est impossible de participer à de tels rites cultuels sans entrer vous-mêmes en communion avec les adorateurs d’idoles. Restez à l’écart!

Dans le chapitre 8, le raisonnement de Paul est toutefois plus nuancé. D’une part, il est d’accord que le fait d’acheter de la viande sacrifiée devant une idole n’est pas un compromis en soi. La viande n’est pas affectée. D’autre part, ceux qui pensent qu’il s’agit d’un compromis, et que Paul qualifie de « faibles » (car ils croient qu’une chose est mauvaise, alors qu’elle ne l’est pas), ne devraient ni acheter, ni manger cette viande. Ils porteraient atteinte à leur faible conscience.

Paul estime qu’il est dangereux pour les chrétiens d’aller à l’encontre de leur conscience, car s’ils prennent l’habitude de l’ignorer, ils pourraient finir par le faire même lorsque cette conscience est bien informée et qu’elle les met en garde contre quelque chose de clairement mauvais.

Certainement, Paul aimerait voir à long terme ces chrétiens faibles grandir dans leur connaissance des Écritures et de l’Évangile, afin qu’ils ne voient pas une chose comme mauvaise alors qu’elle ne l’est pas (comme le fait de manger de la viande sacrifiée aux idoles). Cependant, jusqu’à ce qu’ils aient atteint une telle maturité, ils ne doivent pas aller à l’encontre de leur propre conscience.

Paul dit également que ceux qui ont une conscience « forte » (forte, car ils sont suffisamment matures pour ne pas catégoriser comme mauvais quelque chose qui ne l’est pas) ont raison au sujet de la question de la viande sacrifiée aux idoles.

Cependant, la discussion ne doit pas s’arrêter là. Ils doivent aussi ressentir un devoir envers leurs frères et sœurs plus « faibles » en Christ. Si ceux qui ont une conscience « faible » apercevaient un autre croyant plus âgé, considéré comme sage, en train de manger de la viande sacrifiée aux idoles, ils pourraient être encouragés à faire de même. Toutefois, ils le feraient au détriment de leur propre conscience, et donc pour leur propre préjudice spirituel. Les croyant « forts » feraient preuve d’un grand manque de compassion en voulant user de leurs droits.

En péchant ainsi contre les frères et sœurs et en blessant leur conscience, qui est faible, c’est contre Christ que vous péchez. C’est pourquoi, si un aliment représente un piège pour mon frère, je ne mangerai jamais de viande afin de ne pas faire trébucher mon frère.

1Co 8.12-13, S21.

[…]

La situation à laquelle Paul fait face ici ne doit pas être confondue avec une autre. Imaginez que vous êtes un chrétien qui, en raison de votre arrière-plan culturel, a toujours consommé de l’alcool. Maintenant, vous entrez dans un cercle plus conservateur. Puis un chrétien plus mature vient vous dire: « Je dois te dire que je suis choqué par ce que tu fais. Paul nous dit que si quelqu’un est choqué par ce que nous faisons, nous devons arrêter de le faire. Je suis choqué, tu dois donc arrêter de boire de l’alcool. Comment répondriez-vous?

Ce chrétien est simplement en train de vous manipuler. Il (ou elle) n’est pas une personne avec une conscience faible qui risque de consommer trop à cause de vous, et de blesser ainsi sa conscience. Loin de là. S’il vous voit boire à nouveau, il vous dénoncera sans se gêner. À ses yeux, il est la personne la plus forte, et non la plus faible. Ce cas n’a rien à voir avec celui auquel l’apôtre était confronté. En effet, dans ce cas-ci, il serait plutôt sage de lui dire: « Je suis désolé d’entendre que tu as une conscience si faible. » Peut-être qu’il serait troublé par ce que vous venez de lui dire, de sorte qu’il finisse par vous laisser tranquille quelques semaines.

Pour donner un exemple un peu plus actuel, qui ressemble à la situation à laquelle Paul est confronté, nous devrions changer un peu l’histoire:

Vous êtes responsable des jeunes dans l’Église. Certains jeunes issus de foyers plus conservateurs vous voient boire de l’alcool, et malgré la conscience qu’ils ont développée sur la question, ils vous imitent. Puis à la longue, ils finissent par devenir négligents à l’égard de toutes questions morales graves. En faisant cela, vous participez à leur destruction.

Ce qu’il faut noter, c’est que dans le cas de Paul, le croyant « fort » n’est pas poussé à se conformer à un chrétien insistant qui voudrait que tout le monde obéisse aux mêmes règles. Au contraire, le croyant « fort » est exhorté à abandonner ses droits pour le bien des autres.

L’appel, finalement, c’est l’amour pour les frères et sœurs en Christ. Les chrétiens forts peuvent avoir raison sur des questions théologiques, mais s’ils n’abandonnent pas volontairement leurs droits, ils causeront du tort à l’Église, et ainsi, « pécheront contre Christ » (1Co 8.12).

En fin de compte, chercher à défendre vos droits pourrait vous amener à pécher. Il ne s’agirait pas d’un péché lié à vos droits (car après tout, vous avez raison). Le péché serait votre manque d’amour, parce que vous refusez de renoncer à vos droits pour le bien spirituel et éternel des autres.

Comment les chrétiens peuvent-ils tenir ainsi à leurs droits et être si loin du modèle de la croix?


– Don Carson, The Cross and Christian Ministry, Baker Books, p.140-142. Traduction libre.

Merci à Raphaël B. pour son aide avec la traduction, et David B. pour la relecture.

Benjamin Eggen

Benjamin est marié à Jessica et pasteur-adjoint de l’Église Protestante Évangélique de Bruxelles-Woluwe. Il a fait ses études à l’Institut Biblique de Bruxelles, où il enseigne ponctuellement. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Soif de plus? et Qu’est-ce que tu crois?. Vous pouvez le suivre sur sa chaîne YouTube.

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