La puissance d’un vrai repos

SabbatTravail

Il existe une relation symbiotique entre le travail et le repos. Bien sûr, nous savons cela d’un certain côté. Nous quittons le travail dans le but de nous ressourcer, corps et esprit. Se reposer ou respecter le repos du dimanche est aussi un moyen qui nous aide à avoir une perspective nouvelle de notre travail afin de le mettre à sa juste place. Souvent, nous ne pouvons évaluer notre travail objectivement jusqu’à ce que nous prenions du recul et que nous nous adonnions à d’autres activités. Alors nous voyons que le travail n’est pas tout dans la vie.

Avec cette perspective et des corps et des esprits reposés, nous revenons pour travailler plus et mieux. Mais la relation entre le travail et le repos agit également à un niveau plus profond.

Nous sommes tous hantés par le travail, harassés par le travail… qui exige que nous fassions nos preuves et que nous nous préservions nous-mêmes, pour gagner en estime de soi et en identité. Mais si nous pouvons expérimenter les repos de l’Évangile dans nos cœurs, si nous pouvons être libérés du besoin de gagner notre salut par notre travail, nous aurons une source profonde de rafraîchissement. Cette source nous revivifie continuellement, rétablit notre perspective et renouvelle notre passion.

Pour comprendre ce vrai repos, nous devons considérer le sens biblique du sabbat – pour comprendre quel est son symbole et ce qu’il désigne.

Souviens-toi du jour du sabbat, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour: c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. Ex 20.8-11

Observe le jour du sabbat, pour le sanctifier, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a commandé. Tu travailleras six jours et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni tout ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu: c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a commandé de célébrer le jour du sabbat. Dt 5.12-15

Exode 20 fait le lien entre l’observation du sabbat avec la création de Dieu. « Et il s’est reposé le septième jour. » Que veut dire cela sur un plan pratique? Depuis que Dieu s’est reposé après sa création, nous devons aussi nous reposer après nos ouvrages. Ce rythme de travail et de repos n’est pas seulement valable pour les croyants; il est vrai pour tous, comme faisant partie de notre nature créée. Le surmenage ou le chômage viole cette nature et conduit à la dépression. Se reposer est vraiment un moyen d’apprécier et d’honorer la bonté de la création de Dieu; de sa création de l’être humain. Violer le rythme de travail et le repos (dans les deux cas) conduit au chaos dans notre vie et dans le monde autour de nous. Avec le sabbat, Dieu célèbre la création que nous sommes.

Deutéronome 5 continue à faire le lien entre l’observation du sabbat avec la rédemption de Dieu. Le verset 15 déclare:

Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu: c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a commandé de célébrer le jour du sabbat.

Dieu décrit le jour du sabbat comme une nouvelle proclamation de l’émancipation de l’esclavage. Il nous rappelle comment il a délivré son peuple d’une condition où ils n’étaient pas des êtres humains, mais de simples éléments dans le système de production de briques de Pharaon.

Qui ne peut obéir au commandement de Dieu d’observer le sabbat, est un esclave, un esclave qu’il a lui-même choisi d’être. Votre propre cœur, ou votre culture matérialiste, ou une organisation fondée sur l’exploitation, ou tout ce qui a été cité, vous malmènera si vous n’avez pas la capacité d’être rigoureux dans votre pratique du sabbat. C’est pourquoi le sabbat est une déclaration de votre liberté. Il signifie que vous n’êtes pas un esclave, pas esclave des attentes de votre culture, des espérances de votre famille, des exigences de vos études médicales, ni même de vos propres insécurités. Il est important que vous appreniez à vous convaincre vous-mêmes de cette vérité comme d’une victoire, sinon vous vous sentirez coupables de prendre des congés ou vous serez incapables de « débrancher » vraiment.

La législation du sabbat en Israël fut promulguée après l’exode d’Égypte. Le sabbat était unique parmi les cultures dans le monde à cette époque. Il limitait le travail, la recherche de profit, l’exploitation et la production économique en général. Chaque septième jour, aucun ouvrage ne pouvait être fait dans les champs, et chaque septième année le champ devait rester en jachères et donc ne pouvait pas du tout être cultivé. Cela voulait certainement dire qu’à court terme Israël était économiquement moins productif et prospère que ses voisins. Mais c’était un pays de personnes libres. À long terme, bien sûr, un peuple profondément reposé est de loin plus productif.

Nous pensons aussi que le sabbat est un acte de confiance. Dieu a prévu le sabbat pour nous rappeler qu’il travaille et qu'il se repose. Pratiquer le sabbat est un moyen rigoureux et fidèle pour se souvenir que vous n’êtes pas la seule personne à faire fonctionner le monde, à pourvoir aux besoins de votre famille, ni même à faire avancer vos projets professionnels. Les entrepreneurs trouvent cela particulièrement difficile à croire. Ils ont des niveaux de compétence élevés et très peu de collaborateurs. S’ils ne consacrent pas des heures au travail, les choses ne seront pas faites. Combien est-il facile de tomber dans la tentation de croire qu’eux seuls peuvent venir à bout de leurs réalisations!

Mais maintenant, il vous faut voir que Dieu est présent: vous n’êtes pas seul dans votre travail. Le sermon célèbre de Jésus contre l’inquiétude (Mt 6.25-34) est placé dans le contexte du travail. Il nous réprimande en nous rappelant qu’il s’occupe des lys des champs, bien qu’ils « ne travaillent ni ne filent » (verset 28). Il nous rappelle que nous avons évidemment plus de valeur à ses yeux que les plantes, nous ne devrions donc pas « courir après » les choses matérielles par notre travail (Mt 6.32). Si donc vous vous inquiétez durant votre repos, vous ne pratiquez pas le sabbat. C’est une opportunité de méditer sur des passages comme Matthieu 6 jusqu’à ce qu’un vrai repos commence à vous inonder.

Nous pourrions conclure que nous tirons les bénéfices pratiques du repos du sabbat évangélique en tant qu’individus uniquement lorsque nous prions et lisons la Parole, mais cela serait une erreur. Dieu nous fortifie aussi au moyen de la communion fraternelle avec d’autres chrétiens. Ainsi, par exemple, Paul appelle les chrétiens à « porter les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ » (Ga 6.2). Et finalement, il nous est dit que Jésus soulagera ceux qui sont chargés (Mt 11.28-30) et que nous devons nous décharger de tous nos soucis et fardeaux sur Dieu (1P 5.7) qui les prend en charge chaque jour (Ps 68.20).

Devons-nous regarder à Dieu pour nous soutenir dans notre travail et nos fardeaux… ou à d’autres frères et sœurs chrétiens? Évidemment, la réponse est les deux, parce que c’est normalement par la compassion et l’encouragement d’amis chrétiens que nous expérimentons que Dieu nous rafraîchit et nous soutient dans notre travail.


Cet extrait, publié en anglais par le site The Gospel Coalition, est une adaptation du livre Every Good Endeavor: Connecting Your Work to God’s Work, de Tim Keller (Dutton, 2012). Traduit par Eliane Schnitzler, avec autorisation. Aussi disponible sur Amazon.fr (15,23€).

Article publié pour la première fois le 29 avril 2013, et une deuxième fois le 16 mars 2017 à l’occasion de la parution du livre de Tim Keller en français, avec pour titre: Dieu dans mon travail. Re-publié le 15 juillet 2022.


Pour aller plus loin:

Tim Keller

Timothy Keller a étudié à l'Université Bucknell, à la faculté de théologie Gordon-Conwell et à la faculté de théologie de Westminster. Il est ensuite devenu pasteur, à New York, de l'église presbytérienne du Rédempteur qu'il a implantée en 1989 avec son épouse Kathy et leurs trois jeunes fils. Aujourd'hui, l'église du Rédempteur est régulièrement fréquentée par près de cinq mille personnes. Elle compte de nombreuses églises partenaires et accompagne la naissance de nouvelles églises dans les grandes métropoles du monde.

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