Comment l’Église peut-elle s’adapter aux personnes atteintes d’un handicap mental et cognitif?

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Avec ce troisième article, je vous propose de poursuivre et de finir la réflexion entamée sur l’inclusion des personnes en situation de handicap dans l’Église. Je vais alors vous parler de l’adaptation aux personnes atteintes d’un handicap mental et cognitif.

Ce type de handicap nécessite souvent un accompagnement spécifique et individualisé. Je vais principalement parler des déficiences intellectuelles et du handicap cognitif (autisme et hyperactivité). Les trois principales difficultés sont: la compréhension, la communication et l’attention.

Tenez compte de l’âge physique mais aussi de l’âge mental

Pour les adultes en situation de handicap mental et cognitif, il est difficile de mettre en place des adaptations lors de la prédication. Dans certaines Églises, il existe des groupes d’école du dimanche spéciaux permettant d’étudier l’Évangile de manière plus simple, plus lente et plus visuelle. Il est alors important d’adapter le matériel à l’âge mental de la personne et non à son âge physique. La question se pose également pour les tranches d’âge d’école du dimanche. Un jeune de 12 ans doit-il passer dans la classe des préados ou rester une année supplémentaire chez les primaires alors que son âge mental est d’environ 10 ans?

Ces adaptations sont individuelles et à réfléchir avec la famille et les moniteurs. Plusieurs paramètres doivent alors être pris en compte: la taille de l’enfant qui peut parfois faire le double des autres jeunes, mais aussi sa sensibilité au regard des autres et son estime de soi. Faut-il faire passer l’enfant avec les ados pour qu’il puisse se sentir « comme les autres »? Cela nécessite de simplifier une partie du programme pour qu’il puisse comprendre. Ou bien faut-il garder le jeune avec des plus petits?  Il pourra alors avoir l’impression d’être en réussite et il bénéficiera des leçons illustrées et des différentes activités manuelles.

Il ne faut pas hésiter à faire des essais. Si le fonctionnement ne convient pas au bout de quelques temps, il est toujours possible de revenir en arrière. Une idée également est de faire des immersions sur plusieurs dimanches. Le jeune passe une demi-heure avec le groupe du dessus et revient ensuite dans le sien. Cela permet de faire les choses de manière progressive sans brusquer la personne en situation de handicap.

Expliquez le handicap

Si la famille est d’accord, il peut être judicieux d’expliquer le handicap, que ce soit aux moniteurs, aux adultes de la communauté mais aussi aux enfants. Ce qui est inconnu fait peur. La différence peut également mener à des moqueries ou à du rejet. Lorsqu’une explication est fournie, cela permet de dissiper les a priori et facilite la compréhension. Si rien n’est dit, l’introduction d’adaptations pourrait être vue par les autres enfants comme des privilèges alors qu’il s’agit de besoins.

Comprendre le fonctionnement de la personne en situation de handicap permet à chacun d’adapter son comportement pour pouvoir mieux interagir avec elle. Voici quelques exemples:

  • Allez vers la personne et interpelez-la en tapotant légèrement sur son bras, au lieu de prononcer quatre fois son prénom jusqu’à ce qu’elle vous entende et se retourne.
  • Évitez de trop parler et reformulez la question différemment si la personne ne comprend pas.
  • Acceptez que la personne puisse ne plus souhaiter être en compagnie des autres et avoir besoin de temps pour se ressourcer.

Incluez des gestes

Les personnes ayant une déficience mentale ou un handicap cognitif ont beaucoup de difficultés de compréhension mais elles sont très attentives et sensibles aux émotions des autres ou à l’ambiance générale. Elles ont ainsi un attrait particulier pour la musique. Certains enfants que j’accompagne aiment écouter en boucle des morceaux de louanges. Ils apprécient danser ou taper des mains quand bien même ils ne comprennent pas les paroles du chant. Durant un culte, le temps de louange les intéresse alors tout particulièrement.

Afin d’ajouter un peu de sens à ce moment, il est possible de faire des gestes pendant un chant, qu’il s’agisse de langage des signes ou d’images associées aux paroles. Si la personne pratique la langue des signes ou le Makaton (langue des signes simplifiée pour les personnes en situation de d’handicap), n’hésitez pas à demander à la famille d’apprendre quelques gestes clefs pour communiquer avec elle. Inclure une personne en situation de handicap, c’est également faire des efforts d’apprentissage pour lui permettre de communiquer plus facilement.

Introduire des gestes ne doit pas faire oublier de privilégier les phrases simples. Plus il y a de mots et moins la personne comprendra. Veillez éventuellement à décomposer vos consignes pour n’avoir qu’une seule action à faire à la fois.

Ne négligez pas l’aspect visuel

Les personnes en situation de handicap mental ou cognitif ont souvent un mode de fonctionnement et d’apprentissage basé sur le visuel. Pensez à montrer des photos du sujet dont vous parlez. Ainsi, si vous souhaitez raconter vos vacances, illustrez votre récit par des photos. Dans la même idée, si c’est la personne ayant une déficience qui vous relate ses vacances, n’hésitez pas à lui demander de voir des photos. Ce support la mettra à l’aise et pourra même l’aider dans sa prise de parole.

Certaines personnes en situation de handicap ont un classeur de communication avec des images ou une tablette avec une application d’images numériques. Il est important de les encourager à utiliser ces outils qui leur sont d’une grande aide pour s’exprimer. Le fonctionnement est très simple: la personne pointe du doigt une image pour exprimer un besoin ou un commentaire.

Comme le dit l’expression, « une image vaut mille mots ». C’est encore plus vrai dans le cas d’un handicap mental ou cognitif. Lors des leçons d’école du dimanche, recourrez sans modération aux images, vidéos ou objets concrets pour illustrer votre propos. À l’inverse, évitez les concepts abstraits ou les expressions. Si c’est possible, faites en sorte que la personne puisse repartir avec quelque chose à la maison. Elle pourra alors partager ce qu’elle a vécu et réexpliquer (en parlant ou en pointant) la leçon apprise à l’école du dimanche.

Aidez-les à rester concentrés

Dans notre société devenue très visuelle, nous sommes habitués à recevoir toutes les informations rapidement et sans effort. La concentration devient un vrai défi pour tous et encore plus pour les personnes en situation de handicap cognitif ou mental (inclus l’hyperactivité et les dys). Elles doivent fournir beaucoup d’efforts pour rester concentrés. Cela peut parfois les conduire à ne plus écouter, à bouger sur leur chaise ou à parler avec leur voisin.

Il est possible de donner des fidgets (handspinner, pop it, fils élastiques en caoutchouc) à la personne qui se dissipe. Ces petits jeux vont l’aider à rester concentrée car ses mains seront occupées. Il m’arrive ainsi, à l’école du dimanche, de distribuer des handspinner à des enfants en leur demandant de le faire tourner sous la table pour ne pas perturber les autres. Moi-même, j’utilise des fidgets lors de réunions, cultes ou études bibliques.

Privilégiez la qualité à la quantité

Il est important de prendre conscience que la qualité est plus importante que la quantité. Il vaut mieux que la personne en situation de handicap mental ou cognitif passe dix minutes autour de la table, à écouter la leçon et à comprendre ce court passage plutôt qu’elle reste assise tout le temps de la séance et qu’elle n’en retienne rien. Conscient de cette dimension, on peut prévoir un petit espace de jeux calme ou un espace librairie où la personne en situation de handicap peut aller se ressourcer pour revenir ensuite écouter et apprendre une autre partie de la leçon.

Une autre possibilité est de laisser la personne en situation de handicap mental ou cognitif tranquillement dans son coin pendant la leçon. Lorsque les autres enfants passent à une activité manuelle, vous pouvez aller la voir individuellement et lui expliquer la leçon avant de la laisser faire à son tour l’activité manuelle. Si vous avez un assistant, c’est encore mieux. Il peut accompagner plus spécifiquement la personne en situation de handicap en l’aidant à se concentrer, en lui réexpliquant les consignes ou encore en la prenant à part pour lui raconter la leçon.

Enfin, l’utilisation d’un outil pour structurer le temps peut également être utile pour aider la personne à attendre. Surtout lorsque le manque de concentration engendre de la fatigue et augmente l’impatience. Si un jeune veut retourner voir sa famille qui se trouve dans la salle de culte, mettre un minuteur pourra l’aider à attendre le signal, à plus forte raison si la notion du temps est encore abstraite pour lui. Le minuteur peut également servir pour limiter le temps de jeu en solitaire et signaler qu’il faut maintenant revenir avec le groupe.

Conclusion

Au travers de ces différents articles, j’ai cherché à montrer que l’acceptation et l’adaptation étaient les deux volets de l’inclusion. En tant que chrétien, faire preuve d’inclusion n’est pas quelque chose d’anecdotique. C’est permettre à la personne en situation de handicap et à sa famille de se sentir réellement acceptées par leur Église et de faire partie du corps de Christ.

Dans tout ça, la prière reste évidemment essentielle. Elle est essentielle pour soutenir les aidants dans leur quotidien. Elle est essentielle pour avoir de la sagesse dans la mise en place d’adaptations. Elle est essentielle pour qu’augmente le nombre des croyants sensibles à ce ministère. Prions également pour les personnes ayant une déficience ou un handicap cognitif afin qu’ils connaissent cet amour de Dieu qui surpasse toute connaissance et qu’ils soient remplis de toute la plénitude de Dieu (Ép 3.19).

Pour aller plus loin:

Isabelle Chateigner

Parfaitement imparfaite, Isabelle est porteuse de handicap, ce qui a ouvert sa vocation à aider les personnes en situation de handicap. Par la suite, Dieu l’a conduite à s’engager totalement dans cette voie. Aujourd'hui Isabelle est monitrice éducatrice libérale auprès d'enfants autistes. Elle est très investie dans son Église à Senlis en tant que monitrice d'école du dimanche et responsable du groupe de jeunes adultes.

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